Olivier Chastel et Charles Michel ont rapidement pris la décision. Instantanément, affirme-t-on même au MR tant "elle paraissait évidente". Ils auraient pu annoncer la désignation de François Bellot, énarque, ex-député fédéral, actuel bourgmestre de Rochefort et député wallon, plus tôt, dès le samedi.
Peut-être ont-ils eu pitié de Benoît Lutgen, le président du CDH, qui attendait depuis plusieurs jours une accalmie dans l’actualité politique pour présenter son propre remaniement ministériel après la démission de Joëlle Milquet. Ils ont en tout cas eu le bon goût de lui laisser la journée de samedi pour lancer Alda Greoli et Marie-Christine Schyns dans le bain ministériel. Une forme d’élégance qui n’empêche cependant pas un sacré sens du timing. Dévoilé ce dimanche à 11 heures, le remaniement du MR a occupé l’essentiel du menu des émissions politiques dominicales. François Bellot a même pu se rendre en personne à la RTBF et à RTL pour délivrer, avec sa voix monocorde, un message qui se voulait rassurant et apaisé. Les libéraux francophones ont plutôt bien réussi leur sortie de crise. Les accusations de parjure dont ils avaient fait l’objet en fin de semaine et la démission de Jacqueline Galant de son poste de ministre de la Mobilité les avaient fait mettre un genou en terre. Ils se sont relevés avec une jolie pirouette.
Car Bellot, c’est the right man at the right place, l’homme de la situation, celui qui tombe à pic. Celui qui, dans l’écurie MR, semble avoir les compétences les plus appropriées pour les fonctions laissées vacantes par Jacqueline Galant. Il a suivi pendant 14 ans les entreprises publiques à la Chambre, il a présidé la commission "Buizingen" instituée après la catastrophe ferroviaire et a participé à celle de la Sabena. Il a travaillé à l’administration wallonne des Transports.
Le critère de la compétence
Sa nomination paraît si évidente aujourd’hui que l’on peut légitiment se demander pourquoi François Bellot n’a pas été désigné ministre de la Mobilité dès le lancement du gouvernement Michel plutôt que Jacqueline Galant. La réponse est simple : le casting initial a fait jouer beaucoup d’autres facteurs que la compétence. L’état-major du MR voulait faire de Jacqueline Galant la nouvelle machine à voix libérale dans le Hainaut jusqu’à aller concurrencer le socialiste Di Rupo sur ses terres. Il fallait aussi, sans doute, récompenser cette fidèle au clan Michel. Ces calculs stratégiques et ce jeu d’équilibres ont causé un lourd préjudice. A Jacquelines Galant. Au gouvernement. Au MR. Ils avaient auparavant été fatals à Hervé Jamar, qui avait été désigné ministre du Budget parce qu’il fallait, par souci d’équilibre, un élu de la province de Liège. Charles Michel avait choisi Sophie Wilmès, une technicienne, pour le remplacer.
C’est le même souci qui a prévalu au choix de François Bellot. Et tant pis s’il ne vient pas d’un arrondissement électoral - Dinant-Philippeville - jugé prioritaire. Au fond, le MR est en train, au rythme des démissions, de corriger ses erreurs de casting initiales.
Un surdiplômé à qui il ne manque que le néerlandais
Je me levais tranquillement pour aller faire du sport ce dimanche matin. Il était huit heures moins le quart, et c’est à ce moment-là que j’ai reçu un SMS de la part de Charles Michel et d’Olivier Chastel. Ils m’annonçaient leur choix, et je comprenais que je me levais en fait pour pratiquer un tout autre sport.”
C’est avec une sympathie désarmante que François Bellot raconte sa nomination. “Efficace”, “rigoureux”, souriant, le bourgmestre de Rochefort qui prêtera serment ce lundi matin en tant que ministre de la Mobilité recueille d’ailleurs de nombreux suffrages ce dimanche, et ne déroge pourtant pas à sa simplicité reconnue.
Bourgmestre depuis 20 ans, député wallon depuis 2014, président de la commission “sécurité du rail” après l’accident de Buizingen en 2010, François Bellot pourrait presque passer pour le fidèle mais discret régional de l’étape. Ce serait mal le connaître. Derrière son allure posée, il cache un CV impressionnant.
Ingénieur civil, ingénieur en gestion des entreprises et licencié en sciences politiques, François Bellot est surtout diplômé de l’Ena (l’Ecole nationale d’administration), ce prestigieux établissement qui a formé de nombreux ténors de l’Hexagone.
“Je suis issu de la promotion ‘Michel de Montaigne’, celle de 1988”, raconte le libéral qui énumère avec joie ses condisciples de l’époque : des ambassadeurs, des proches de Chirac, de Sarkozy ou de Merkel, des héritiers de la dynastie Vuitton, des présidents ou PDG de Canal + ou Air France. “Nous avons gardé de bons contacts et nous nous revoyons tous les deux ans. Mais ce que je retiens le plus, c’est la méthode que l’Ena m’a offerte pour approcher facilement des dossiers complexes.”
Une méthodologie indispensable pour affronter “la quadrature du cercle” (c’est lui qui le dit) qu’est le dossier du survol de Bruxelles ? “Evidemment, se réjouit le président du MR Olivier Chastel. François Bellot pourra d’ailleurs directement se mettre au travail car il connaît le dossier. C’était ce que nous recherchions.”
Par ailleurs bon connaisseur des arcanes de la SNCB et au rail en général, le libéral pourrait d’ailleurs travailler en toute liberté espèrent ses proches. A 62 ans, sa carrière politique est derrière lui, et au moment d’affronter des dossiers qui en ont fait tomber plus d’un, il a sans doute moins à perdre que d’autres en endossant pour la première fois un costume ministériel, au fédéral qui plus est.
Une de ses failles cependant, et il l’admet lui-même, est de ne pas maîtriser le néerlandais. “Je ne vous comprends pas”, dut-il reconnaître ce dimanche matin devant une journaliste néerlandophone. “C’est mon regret, et c’est vrai que dans un pays fédéral, c’est un vrai défaut. Mais comme je n’ai pu être formé en Flandre, j’ai encouragé deux de mes enfants à étudier à la Vlerick Business School de Gand. Ce qu’ils font. Et puis je m’y mettrai très vite.”
Technicien, François Bellot aura-t-il également la sensibilité politique indispensable pour mener à bien certains dossiers sensibles ? C’est la question. “Ce n’est pas un homme de coups politiques, c’est un homme de dossiers, c’est vrai, admet Olivier Chastel. Mais malgré tout, j’ai rarement vu quelqu’un qui conjuguait si bien les deux qualités.” L’actualité permettra vite d’en juger.