Arnaud Feist, le patron de l’aéroport de Bruxelles-National, a tenu à réagir aux polémiques de ces derniers jours touchant à la sûreté des infrastructures de Zaventem et qui ont conduit à la démission de Jacqueline Galant. "Il y a eu beaucoup de choses inexactes dites et écrites dans la presse qui ont donné l’impression que Brussels Airport n’était pas sûr. Je regrette que la sûreté soit utilisée par certains pour d’autres fins, explique-t-il. Le fait, par exemple, d’avoir donné ces rapports confidentiels de la Commission européenne ( NdlR : des publications qui ont entraîné la démission de la ministre Jacqueline Galant) à la presse qui les a ensuite mis en ligne est totalement irresponsable".
Arnaud Feist tient tout d’abord à repréciser le rôle de chacun dans la sécurité à l’aéroport. "Nous, en tant que société privée, sommes responsables du screening des passagers et des bagages, de la sécurité sur les pistes et ses alentours et du contrôle des bagages en soute. Tout le reste est du ressort de la police fédérale", explique-t-il. Rajoutons que l’aéroport est aussi responsable de la gestion administrative des badges d’accès des personnes travaillant dans l’aéroport."Mais ceux-ci sont accordés ou retirés par un organisme dépendant du ministère des Affaires étrangères. Et nous n’avons aucune compétence pour vérifier les identités dans les zones publiques."
Le contrôleur contrôlé
Selon le CEO de Brussels Airport, les rapports de la Commission de 2011 et de 2015 ne portaient pas sur la sécurité dans l’aéroport, mais sur la manière dont fonctionne la DGTA (Direction générale des transports aériens). "C’est un peu comme si on contrôlait le contrôleur. En tant qu’aéroport, nous n’avons eu aucun accès à ce document."
Arnaud Feist explique par ailleurs que l’aéroport a reçu la visite surprise d’une vingtaine d’inspecteurs de la Commission européenne en 2012. "L’audit nous imposait deux points à améliorer en matière de sûreté. Ce que nous avons immédiatement fait pour obtenir l’aval de la Commission. Nous sommes à deux pas des institutions européennes et notre aéroport est certainement l’un des plus contrôlés d’Europe." M. Feist rappelle que la sûreté est une priorité absolue. "Plus vous avez un aéroport sûr, plus il se développe commercialement." Après les attentats de mars, Brussels Airport a aussi reçu le feu vert des autorités américaines pour reprendre les vols vers les Etats-Unis. "Si nous n’étions pas un aéroport totalement sûr, nous ne pourrions pas voler vers des destinations comme New York".
Le hall des départs de Zaventem rouvrira à la mi-mai
Si Arnaud Feist, le patron de l’aéroport de Bruxelles, a tenu à mettre les points sur les "i" concernant la sûreté à Zaventem, il évoque aussi une reprise progressive du trafic aérien après les attentats du 22 mars dernier.
1. Deux entrées parallèles Les travaux de rénovation de l’aéroport avancent plus rapidement que prévu. Selon Arnaud Feist, le hall des départs, où ont explosé les bombes, devrait ainsi être partiellement opérationnel pour la mi-mai. "Nous avons réussi à remettre une centaine de comptoirs (sur 180 au total) en ordre de marche", explique-t-il. L’idée serait d’ouvrir en parallèle l’entrée habituelle d’avant les attentats, tout en conservant le dispositif provisoire actuel. "Avec ce schéma, on retrouvera près de 70 % des capacités d’avant le 22 mars", poursuit M. Feist. D’ici fin juin, Brussels Airport espère pouvoir revenir à 100 % de ses capacités opérationnelles. L’ancienne partie du hall des départs, où se trouvaient notamment les comptoirs de Thomas Cook et Jetairfly, devrait toutefois rester fermée. Enfin, Arnaud Feist envisage un "terminal du futur", favorisant le "check in" en ligne et donc nécessitant moins de comptoirs.
2. Des compagnies qui mettent la pression Si l’aéroport passe à la vitesse supérieure, c’est aussi parce que les compagnies aériennes mettent une très forte pression pour un retour à la normale. "Elles ne nous posent pas des ultimatums, mais elles nous font clairement comprendre qu’il ne faut plus traîner", développe M. Feist. Pour certains transporteurs, il est déjà trop tard. Deux compagnies américaines ont ainsi supprimé des lignes depuis Bruxelles après les attentats. Delta n’ira plus à Atlanta depuis Zaventem, tandis qu’American Airlines ne reliera plus New York qu’en été. En tout, cinquante compagnies sur septante ont toutefois déjà fait leur retour à Bruxelles depuis le 22 mars. Mais le dispositif actuel, qui est limité à 20 % de la capacité en heures de pointe, ne convient pas à de nombreux transporteurs qui ont dû totalement revoir leurs créneaux horaires. Ce qui entraîne des correspondances peu intéressantes.
3. Une grève très mal perçue D’après Arnaud Feist, le mouvement de grève, mardi et mercredi, de certains contrôleurs aériens n’a pas aidé à redresser l’image de l’aéroport. "Il devient difficile d’expliquer certaines choses aux compagnies aériennes étrangères. Cette grève non annoncée est inadmissible et a porté un coup au moral de toutes les équipes qui travaillent jours et nuits pour remettre l’aéroport en marche", peste le patron. "On est en train de ramer comme des fous pour remonter la pente et quelques individus nous font retomber plus bas." M. Feist veut des "solutions structurelles" pour éviter qu’à l’avenir "quelques personnes puissent paralyser le ciel belge". "On ne doit pas toucher au droit de grève, mais il faut penser à des alternatives, comme des synergies avec des contrôleurs de pays voisins". D’après le patron de Brussels Airport, les compagnies lésées par cette grève pourraient très prochainement demander des comptes à Belgocontrol, le gestionnaire du trafic aérien belge.
4. Des pertes de plusieurs centaines de millions d’euros S’il est encore trop tôt pour chiffrer les pertes financières totales suite aux attentats, elles devraient se monter à plusieurs centaines de millions euros. La Banque nationale estime ainsi que l’aéroport de Zaventem rapporte 10 millions d’euros par jour en valeur ajoutée à l’économie belge. Or, ce dernier a été totalement fermé durant 12 jours. A ce chiffre, il faut ajouter les montants des réparations des infrastructures touchées lors des attentats. Enfin, la perte d’exploitation est plus difficile à calculer. Si l’aéroport est couvert par des assurances pour ce type d’événements, il s’attend toutefois à devoir payer des franchises importantes. Sans parler du futur. L’image de Bruxelles en a pris pour son grade et il faudra sans doute attendre plusieurs mois, voire davantage, avant de faire revenir certains voyageurs dans la capitale belge. "Dans les premiers jours de reprise des activités, les avions n’étaient remplis qu’à 50 %. Aujourd’hui, cela va mieux. Brussels Airlines, qui opère désormais 70 % de ses activités, a, dorénavant, des chiffres de remplissage très corrects", conclut l’optimiste Arnaud Feist.