On sait depuis ce matin que Laurent Ledoux a claqué la porte. Le dirigeant du Service public fédéral (SPF) Mobilité et Transports, qui n'en n'était pas à sa première prise de bec avec sa ministre de tutelle, Jacqueline Galant (MR), a fortement critiqué son attitude à l'occasion de sa démission. En particulier, en ce qui concerne la gestion de la sécurité à l'aéroport de Zaventem. Selon Ledoux, des failles dans la sécurité de l'aéroport étaient bien connues par l'administration et par la ministre mais cette dernière n'aurait pas agi.
Quoi qu'il en soit, Laurent Ledoux s'est longuement épanché sur le "problème Galant" dans une lettre à la présidente de la commission parlementaire en charge de l'Infrastructure et des Entreprises publiques de la Chambre, la députée PS Karine Lalieux. Quelques passages de ce courrier du 13 avril 2016, annonçant et expliquant la démission du patron du SPF, sont dévastateurs pour la ministre libérale dans la tourmente depuis son entrée en fonction en 2014.
"Soumission de Galant aux lobbys"
"Les raisons fondamentales de mon départ sont simples et graves :
- De manière générale, les pratiques et décisions de la ministre Galant visant à affaiblir systématiquement le rôle de sa propre administration ;
- De plus, de nombreux faits et dossiers attestent de la soumission de la ministre Galant à certains lobbys économiques et politiques ;
- Ces deux éléments, couplés à une méconnaissance avérée des dossiers dans le chef de la ministre et de son cabinet, ont pour conséquence que, malgré les diverses notes et avertissements que l'administration et moi-même lui envoyons régulièrement, madame Galant, adopte des décisions contraires à l'intérêt général, voire illégales dans certains cas. […] J'espère que ma démission constituera un signal d'alarme fort qui sera entendu par le gouvernement et par le monde politique."
Suit un long catalogue des supposés manquements et dysfonctionnements où Jacqueline Galant et son cabinet sont en cause, selon Ledoux. En ce qui concerne le dossier Sûreté aéroportuaire, par exemple, il charge encore la barque de la ministre MR : "Le SPF a demandé au cabinet Galant, en février 2016, de renforcer le service d'inspection aéroportuaire dans le cadre des 400 millions de budget réservés par le gouvernement fédéral pour la sûreté à la suite des attentats de Paris. La ministre a refusé cette demande", écrit Laurent Ledoux.
Clifford Chance, perte de dossiers…
Dans sa litanie, Laurent Ledoux rappelle également tous les couacs connus par le département Mobilité depuis la constitution du nouveau gouvernement fédéral et l'arrivée de Jacqueline Galant : affaire Clifford Chance (la ministre avait pris quelques libertés avec la loi sur les marchés publics), l'affaire des dossiers perdus ou envoyés en retard (l'Etat a été condamné en justice pour ne pas s'être présenté au tribunal pour une audience car le cabinet Galant n'aurait pas transmis à temps le courrier du tribunal)…
"Dans le contexte actuel, explique encore Laurent Ledoux à Karine Lalieux, il m'a semblé que ces rélfexions pourraient être utiles aux travaux de votre commission"…
Jacqueline Galant veut une enquête psycho-sociale au SPF Mobilité
La ministre de la Mobilité, Jacqueline Galant, veut diligenter une enquête psycho-sociale au SPF Mobilité pour y améliorer les conditions de travail, a-t-elle écrit dans une lettre relayée jeudi matin par L'Echo. Cette lettre, qui a croisé la lettre de démission du président du SPF Mobilité Laurent Ledoux, pointe les relations de travail détériorées au sein du SPF Mobilité, dont le quotidien s'était déjà fait l'écho mercredi. La ministre répond à plusieurs points qui la mettaient en cause (le fait qu'elle considérerait que l'administration n'est là que pour exécuter sa politique, les relations conflictuelles entre l'administration et son cabinet, etc).
"Ces informations qui contredisent les valeurs de respect et de coopération qui sont les miennes, confirment un sentiment de malaise largement perceptible au sein de votre administration, ainsi que la difficulté pour de nombreux agents d'exprimer leur point de vue", écrit la ministre, qui énumère les "nombreux éléments concrets" qui illustrent la qualité de travail détériorée au SPF: "manque de communication, nombreux départs, ambiance oppressante".
Assurant que "le bien-être du personnel du SPF Mobilité (est) une priorité de (son) cabinet", la ministre annonce que la première mesure pour améliorer les conditions de travail sera "la réalisation d'une enquête psycho-sociale par une entité indépendante, qui seule permettra de faire le point sur les besoins du personnel".